Un mélange de Black & de Heavy qui parle de mousquetaires dans l’espace? Découvrez Moisson Livide
« true gascon heavy black metal », on en connaissait des sous-genres, mais là, c’est une première. Pour My Rock Revolution, un certain Darkagan, plus connu sous le nom de Baptiste Labenne, chanteur et guitariste du groupe BOISSON DIVINE, a accepté de nous accorder sa fin de dimanche-après midi, dans ses vignes, pour nous parler de son album « Sent Emperì Gascon » sorti chez Antiq le 03 mai dernier.
L'interview exclusive
1. Adishatz Baptiste, merci d’accorder de ton temps pour My Rock Revolution. On te connaissait en tant que chanteur de BOISSON DIVINE, mais aujourd’hui tu viens nous parler de ton « side project » pardonne l’anglicisme, MOISSON LIVIDE. On aurait pu croire à une blague, notamment suite à un certain post sur Facebook en date d’un premier avril, et avec le lapsus facile du nom du groupe, d’où t’es venue cette folle idée ?
Adishatz! MOISSON LIVIDE c’est le pendant Black Metal de Boisson Divine, qui était au départ une blague venue de mon intérêt croissant pour le black. J’ai commencé le metal par le heavy avec Maiden, il y quelques petites années déjà… J’ai, par la suite, découvert l’extrême avec les samplers, notamment Rock Hard, ça ne me parlait pas beaucoup à l’époque. Je vivais une vie tranquille de collégien dans ma campagne gasconne alors tu imagines bien que mater le dernier live de Mayhem en mangeant du Benco avec du beurre, ça aurait fait tâche… C’est à cette période que je découvre le groupe de BM sympho français Garwall, qui m’a marqué, mais j’ai instinctivement migré vers le coté un peu plus « lumineux » de la musique.
En 2013, on a sorti le premier album de Boisson Divine Enradigats. Au fil des concerts, nous avons fini par rencontrer et jouer avec des groupes plus extrêmes que nous, et à force de jouer avec des groupes de Black, ils ont finit par présupposer que j’aimais ça, alors qu’à ce moment là, pas du tout! (Rires)
La découverte du groupe Dissection (Blackened death mélodique suédois NdlR), avec l’album Storm of the Light’s Bane m’a ouvert l’esprit sur cet univers que je ne connaissais que trop peu. J’ai trouvé le style très intéressant car il mélangeait cette froideur caractéristique du BM, avec la mélodicité du Heavy, et quelques éléments folk.
Je me suis beaucoup retrouvé sur la scène française (un peu) médiévale avec des groupes comme Aorlhac & Véhémence… Pas mal de trucs de chez Antiq en somme. J’ai trouvé ce que je recherchais, un coté plus enraciné. Je me suis pas mal inspiré de ce style, j’ai fait des maquettes, et elles ont toutes fini dans un dossier stock. Car j’avais quand même la volonté de m’amuser à composer sans pour autant exterminer l’identité de Boisson Divine.
« Quo rit et letum » est le premier titre que j’ai sorti. Florent, le bassiste de BD, grand amateur de black devant l’éternel, l’a fait découvrir aux patrons d’Antiq pendant une soirée. La légende raconte que ladite soirée était légèrement arrosée mais on ne sait pas s’ils ont aimé le sampler car ils étaient complètement cuits ou grâce à la compo’ en elle même (rires). Au final ça ne change rien car il m’a contacté assez rapidement pour publier le titre sur Extreme Sud Ouest (avec Ascète, Morteruine & Herlequin).
J’me suis retrouvé avec 3-4 titres, mais j’avais besoin de séparer les deux entités pour éviter les confusions. J’ai choisi Moisson Livide car ça a une sonorité proche de Boisson Divine, mais ça ne veut absolument rien dire. C’était mon 3e groupe, ma 3e chance d’adopter un nom qui claque, et j’ai choisi un 3e nom pourri… (rires). (Baptiste avait sorti un titre de Hardcore « Dab lo c15 » sous le nom de « Poisson Rigide ).
2. Un style assez particulier, pour ne pas dire novateur. On a bien évidemment ce coté black metal, mais de l’autre un coté power très présent, qui apporte une mélodie à la brutalité habituelle du BM. Je ressens personnellement la force de nos régions, la puissance de la France rurale et de ses traditions et valeurs séculaires. Pour te connaitre un tout petit peu, j’ai l’impression que cet album, c’est toi, en fait ?
Les ingrédients de base ont déjà été mélangés, Children of Bodom en est un bon exemple. Je n’ai pas forcément de connaissance très étendue du black, mais je n’ai pas encore entendu de BM avec un coté power assez assumé.
Au début j’avais un peu peur de me faire découper par les blackeux, mais comme je n’avais rien promis à personne, aucune utilité de faire un album 100% black. J’ai sciemment utilisé « un petit tambourin de fils de pute sur les refrains comme dans la pop ».
J’arrivais pas à faire de morceau sans gros refrain, j’arrive à le concevoir mais pas le matérialiser.
Le coté folk présent aide à se le figurer, j’utilise la vielle à Roue, la cornemuse landaise, la mandoline ou encore le bouzouki (qui n’est pas très gascon pour le coup), ce qui nous donne ce mélange « tabasse fort/gros refrains entrainants » que je voulais. Et évidemment, les instruments trad qui amènent le coté proximité et mélancolique.
3. On te savait guitariste & chanteur, mais de ce que j’ai pu trouver, tu as enregistré la totalité des instruments et du chant à l’exception de la batterie (qui a été réalisée par un certain « Philippe ETCHEBLAST » , dont l’identité est tenue secrète selon nos sources. Tu as appris certains instruments pour l’occasion, ou tu as toujours été un touche à tout musicalement parlant? Quel est ton processus de création ?
Et oui, tes sources t’ont aussi dit que ce brave Philippe s’est exilé dans le Périgord Noir et s’est entouré d’une meute de chiens ? (Rires)
Je n’ai pas spécialement appris de choses pour cet album, si ce n’est le chant guttural, que je ne maîtrisais pas auparavant. J’ai toujours fait plusieurs instruments, à commencer par le saxophone alto, que j’ai découvert à 7ans à l’école de musique de Riscle (petite bourgade Gasconne calme et paisible, connue pour son équipe de rugby qui l’est un peu moins NdlR) pour faire de la Banda. J’ai joué 15 à 20 ans dans la banda, ça m’arrive encore de temps à autres, pour dépanner les potes quoi !
Le reste je l’ai appris à fur et à mesure, je me suis mis à la cornemuse landaise en découvrant Nadau.
Le doigté du saxo alto est similaire à la flute hautbois, ce qui diffère c’est la gestion du souffle. J’ai un rack bien rempli à la maison, du coup il y a pas mal de choses assez intuitives sur l’album. Par exemple sur le deuxième morceau, j’avais un petit break, je ne savais pas quoi mettre, je me suis retourné vers mes instruments et me suis dit « petit bouzouki ? ça passerait bien ! »
J’écris beaucoup sans vouloir écrire, comme je passe beaucoup de temps en vigne. Tu connais, ce sont des travaux répétitifs et une fois que tu as acquis le geste tu passe en mode automatique, c’est là ou la plupart des idées me viennent…
Je dégaine mon téléphone, application enregistreur vocal, et je fais lalala, en rentrant j’adapte ça au piano ou à la gratte, quelques mois après disque d’or et voilà. (Rires)
Dès que t’as une base de travail, le point de départ t’aide beaucoup. Ça peut être une thématique, une histoire, un personnage… Surtout des trucs sérieux qui me tiennent à coeur, comme les cyclistes par exemple.
Souvent, c’est la mélodie qui vient en premier, mais dans cet album certaines thématiques sont venue d’abord. Dans le dernier morceau, tu entends de la trompe de chasse. Ça me vient du thème : Gaston Phoebus qui était un seigneur de l’époque médiévale disposant de plusieurs cordes à son arc, notamment celle de chasseur. Et je me suis dit qu’il me manquait un développement : Gaston Phoébus…chasse… trompe de chasse… Je me suis mis un disque des trompes de Chambord (imagine l’ambiance dans la baraque, rires).
« Les petits ruisseaux font les grandes rivières comme dirait Nadau. Les petites idées font les grands morceaux ».
Darkagnan, poète gascon, circa 2023
4. Quelles sont tes influences sur le plan musical ? On a des passages qui cavalent avec de superbes riffs de guitare à la Maiden.
J’ai eu peur d’avoir un appel de Steve Harris sur le morceau 2… Do Ré Mi, guitare en harmonie à la tierce, toutes les caractéristiques de Maiden.
Mais oui, tu vois juste, Maiden, Accept, Judas Priest, Helloween ou encore Gamma Ray (mais rien à voir avec le Curé de Camaret qui a les couilles qui pendent hein! Rires).
Mais aussi Avantasia je suis un grand fan de Tobias Sammet, et pour le coté folk tradi, Nadau évidemment, ainsi que d’autres groupes de la région. Et puis forcément le coté marche militaire de l’Empire au fil de mes vadrouilles avec les bandas.
En fait, Moisson Livide c’était un peu la porte ouverte à toutes mes conneries…
5. Tout le monde à entendu parler du Saint Empire Romain Germanique, mais SENT EMPERÌ GASCON, ça vient d’où ?
Malheureusement, le Saint Empire Gascon n’a jamais existé c’est une utopie, c’est MON utopie. Mais bon déjà qu’on est pas foutu d’avoir un nom de région administrative, on n’est pas près de faire un empire. (Rires)
À la base, tout part d’un chambrage entre amis, « je me vengerai au nom de la Gascogne, non ! De la grande Gascogne, non ! De la Sainte et Grande Gascogne, non! Du Saint-Empire Gascon ! »
Et puis j’ai repris le SPQR (Senatus Populusque Romanus, devise de l’Empire Romain, NdlR) en « sauvagerie bagarre cantique et renouveau » petite référence, pour le coté grivois de notre terre d’attache.
6. L’intégralité de ces paroles sont en gascon, un choix de ta part pour rester fidèle à ton terroir, tes origines ou pour te démarquer des autres groupes ?
Je ne me vois pas proposer de créations dans une autre langue puisque c’est la mienne. Ça me permet aussi de varier les propos, le français est une langue latine très chantant, très mélodique. Le gascon étant une sorte de basque romanisé, apporte un coté rocailleux notamment sur la façon de rouler les R.
Hors de question de chanter en anglais, c’est une langue surexploitée sur la scène metal et notamment par des groupes français. Il n’y a que le black en France qui chante en français. À part le heavy français des années 80.
En Gascon, il y a quand même des groupes, mais des créations en gascon, beaucoup moins. Tu as des groupes de trad (accords diatoniques, flûte, vielle à roue) mais pas de chant, sinon ce sont des groupes de polyphonie (avec majorité de reprise)
Je trouve ça bien que des gens s’engagent à sauvegarder le patrimoine immatériel, mais je préfère proposer de la création.
C’est ma langue, je chante dans ma langue.
Notre histoire n’est pas apprise dans les écoles de la République. Mais on participe à notre humble niveau à la popularisation de la culture de la région. C’est satisfaisant pour moi de recevoir des messages de gens qui se sont mis au gascon grâce à nos chansons, des gens qui reprennent les cours de langue, ça fait partie de notre identité.
7. Impossible de parler de l’album sans parler du magnifique artwork. Peux-tu nous le présenter et le détailler ?
L’album a été masterisé par Borie de la Combe Noire, et c’est sa compagne, Laurine qui s’est occupé du graphisme. Tu retrouves les limites de l’Empire Romain, avec une vue plutôt européenne, qui s’étend jusqu’au Japon, car on a joué là bas avec BD, et que c’était cool.
Puis après j’ai mis des conneries un peu partout, Paris c’est la prison impériale, on a une fabrique de bérets impériale en Espagne… (rires)
Sur la couverture en haut à gauche, tu retrouves le blason gascon, dessiné par le héraut d’armes de Louis XIV. Avec les deux lions et les épis de blés, pas de drapeau gascon dans l’histoire mais celui là en a fait office.
À droite, la croix des mousquetaires, aussi appelée croix du foyer. C’était un corps d’élite militaire au service du roi de France connu pour accueillir beaucoup de gens de la région. La Gascogne, évoque souvent d’Artagnan, qui y figure aussi aux cotés de colonnes romaines.
On y a aussi inscrit Nunquam Polluta qui signifie « jamais souillée », devise de Bayonne. Qui est, je le rappelle, une ville gasconne enfin vasquonne. Bayonne a été maintes fois assiégée mais jamais prise. C’est le coté « touches-y si tu l’oses » de notre Saint Empire Gascon.
Tu as aussi des mousquetaires en bas à droite. J’ai situé l’action du Saint Empire Gascon en 2084. Tout en gardant des éléments anciens, il y a moyen de faire passer un message.
Je voulais aborder cette chapellisation du metal, toujours coller des étiquettes par genre. Le folk parle du passé, le power tu sauves des Princess en tuant des dragons… Dans le Saint Empire Gascon » on parle de conquérir la lune, ils ont des mousquets, des rapières et leurs chapeaux sous les casques de cosmonautes.
C’était le but de l’album, s’amuser !
9. Est-ce que tu as prévu de défendre cet album en live ?
Je ne vais pas te cacher que c’est compliqué avec le boulot, en plus d’être très technique avec le tremolo picking notamment… Sans parler de l’alternance des deux styles vocaux, donc complexe en live.
Si c’est juste pour faire une blague ça ne vaut pas le coup.
10. De tous les reviews français et même étrangers que j’ai pu lire, l’album plait, et pas qu’un peu. Est ce qu’on aura droit à une suite ?
Je ne savais pas du tout où j’allais, le style est assez batard. Je suis content que les chroniques soient bonnes, mais surpris de ne pas me faire défoncer par les trve blackeux. Dans l’étiquette que j’ai choisi « true gascon heavy black metal » personne n’a compris la blague avec le trou gascon… c’est le pire échec de l’album… J’ai du mal à m’en remettre. Au total, j’ai reçu une trentaine de chroniques avec de très bons retours.
La suite ? Un jour peut être sans pression, j’ai un petit coup d’avance.. Mais je n’ai pas envie de forcer les choses. Je suis pas mal influencé par les saisons, j’ai du mal à m’écouter un album de Marduk, au printemps, en allant aux vignes, avec les oiseaux qui chantent et les premiers bourgeons qui apparaissent.
11. Je te laisse le mot de la fin, si tu veux t’exprimer librement, sur le sujet de ton choix !
****** ***** ***** **** ** ***** (censuré pour éviter à Thierry, qui publiera cette interview sur notre site internet, de passer Noël à l’ombre, surtout qu’il n’aime pas les oranges NdlR).
Écoutez cet album sans idée préconçue, et surtout, prenez du plaisir.
Merci à toi Baptiste pour le temps que tu as su nous accorder, on espère se revoir vite sur une date de Boisson Divine, et peut être d’ici quelques temps pour la sortie du deuxième volet de Moisson Livide, ou peut-être un quatrième groupe avec un nom à la con… qui sait ?
On vous laisse aussi le lien vers le domaine viticole de Baptiste, car l’été commence à pointer le bout de son nez, et chez My Rock Revolution, on pense à vous, alors restez hydratés !
Clément @scrime_photography pour My Rock Revolution